Tuesday, December 21, 2004

Lettre ouverte a Charles P., par Shootin' Bear

L’été. Les fenêtres ouvertes laissent entrer l’air du soir encore tiède, et les lueurs et les bruits de la ville.
Allongé, la main dans le futal, je pense: Un jour je t’écrirai mon amour. Il faut que je lui dise. Il faut qu’il sache.
Ce cri doit sortir.
Il faut que tu saches, Charles . . . Charles, c’est beau comme nom. Baudelaire. Bukowski. Dickens.
Et puis il y a lui.
A l’écran bleuté devant moi je soupire: « Et puis il y a toi. »
La main sur le manche.
Pasqua, mon Charles. Comment continuer à me taire quand je voudrais hurler mon amour?
L’excitation monte.
Ses lèvres épaisses. Ses grosses mains de singe.
Il faut qu’il sache.
Il faut qu’il sache que quand il passe à la télé il me rend dingue.
Charles Pasqua. Mon loulou. Viens. Viens parler de l’Europe, de l’insécurité, de la République, des hommes que tu as fait abattre en secret.
Viens à moi. Sur cet écran aveugle.
Il faut que tu comprennes, Loulou, que tu m’excites comme un fou. Regarde. Arrête de regarder cette petite salope de présentatrice et regarde-moi. MOI!
Tu as raison, Loulou: la discipline y a que ça de vrai. Regarde comme je sais bien me tenir au garde-a-vous. Sans les mains!
Discipline-moi.
Mate-moi.
Ecoute-moi bien, Charles. Chaque fois que tu passes à la télé, il y a quelqu’un quelque part qui rêve d’écarter tes grosses fesses pour que tu puisses toi-même inspecter sa matraque.
Souviens-t’en, mon gros loulou. Souviens-t’en quand tu viendras me parler de l’indépendance de la France, de ton respect pour la République.
D’abord on se fera une petite ligne de coke. Je nous vois déjà. Allongés. Nus. Là.
Et puis je t’enculerai, mon gros nounours.
Je surveille. Je ne rate jamais tes apparitions.
Penses-y. Quand tu es sur un plateau et que tu te passes la langue sur les lèvres.
Ne m’oublie pas.
Mon Pasqua à moi.
Quand tu joues les gros durs à la télé. Quand tu joues à l’homme un peu rustre, un peu animal. Même quand tu poses pour Paris Match, malgré tes fesses poilues, tes narines poilues, tes oreilles poilues, je sais voir la femme qui est en toi.
Avec ton gang de flics corses, et tes soi-disant séparatistes on fera fleurir ton trafic d’armes. Tu seras mon Verlaine, je serai ton Rimbaud. Et mutatis mutandis.
Mon gros lapin.
Mon gros lapin tueur.
Ce sperme chaud qui coule entre mes doigts fermés il est pour toi.
Ce verre d’eau, tu l’as bien mérité.
Générique.
Tu ranges tes feuilles. Tu bois encore un peu. Tu sais pas trop quoi faire de ce gros corps. Les caméras tournent encore derrière le générique. Les cameras tournent encore et tu le sais.
As-tu déjà vu des éléphants de mer?
On ira les voir ensemble au zoo. Le dimanche.
On ira . . .
On verra . . .
On fera . . .
Qu’attends-tu?
Te souviens-tu encore de moi?
J’étais à l’un de tes meetings. Tu es venu me trouver. Dans ma ville. Un signe. Je l’ai compris. Ou peut-être déjà savais-tu? Sentais-tu? . . .
J’ai volé une de tes affiches. Deux mètres sur un. Comme a ton habitude tu ne souris pas. Et comme tu as raison de garder toujours cet air si sévère.
Tu as l’air d’une conne quand tu souris.
Mais je t’aime quand même.
Quand tu passes à la télé . . .
Alors je me suis enfermé dans les toilettes du Palais du Congrès de la ville de C... et je me suis branlé sur ton affiche posée à plat par terre.
Et puis j’ai regardé un moment mon sperme couler sur tes lèvres. Et c’est si facile de t’imaginer gourmande. Si facile de voir déjà qu’il me faudra du pouce essuyer la goutte de sperme qui perle à tes lèvres.
Peut-être tes petits trouducs de la comm’ te l’ont dit qu’on avait retrouvé une de tes affiches souillée . . . peut-être pas. Ils sont tellement faux-culs ces petits pédés.
Après, je suis retourné dans la grande salle. Le corps tout tremblant encore. Ta grosse voix tonnant dans les haut-parleurs.
Et puis tu es descendu de l’estrade et tu m’as trouvé. Tu m’as serré la main.
Notre premier rapport. Par procuration, pour ainsi dire.
Tu m’as même souri.


Shooting Bear
New York City, February 2004.
Copyright Shoot That Fucker! Underground Publishing, Inc. 2004.

3 Comments:

Blogger Cheinara said...

O_O

1:28 PM  
Blogger angrygrrface said...

I wish I understood as much French as I used to ::sigh::

2:41 AM  
Blogger mar said...

El amor, el amor...

My sister helped me to translated it...trés joli!

2:34 PM  

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