Mercedes
Mercédès Mercédès où es-tu petite fille aux cheveux noirs ombre filant dans les rues des grandes cités les yeux rasant les trottoirs les coudes de ton manteau rasant les murs ne pas toucher do not touch achtung PELIGRO que fais tu que vas tu faire d’où viens tu où vas tu si tu vas . . . va . . .voiture sous la pluie les gouttes tantôt fines tantôt épaisses roulant glissant sur la carrosserie s’étirant en d’interminables filets poisseux aux contours rongés . . . ton sac à dos toujours sur tes épaules . . . slalomant entre les gens les autres les contemporains les seconds rôles et les figurants et toi toi au milieu perdue — centre — . . . quelque part sur un vieil ordinateur déglingué aux circuits mis à nus, dégueulant ses câbles comme autant de gros vers, se trouve un fichier complet sur toi qu’une mémoire poussive crache sur un écran délavé sous forme de code alphanumérique — suite sans fin de nombres toujours changeant au milieu d’alphabets de toutes les cultures . . . dans les voûtes résonnantes des souterrains où l’on ne va jamais où l’on ne peut pas aller . . . tandis que tu traverses Times Square longe l’interminable mur du Louvre le long des quais de Seine . . . quelque part . . . ailleurs . . . je ne tiendrai pas longtemps . . . dans ces souterrains où l’on ne peut pas aller . . . tous ces contemporains qui ne veulent PAS admettre que tout est foutu que tout est foutu depuis longtemps même bien avant que la mère Eve se lance dans la confection de tarte bien avant que les premières traces de vie les premières amibes les premières cellules aquatiques la planète était déjà maudite, et déjà Mercédès . . . Déjà.
Mercédès qui ne veut pas parler. Qui n’a pas prononcé un mot depuis des milliards d’années même si tous les mardi et vendredi elle doit se rendre à une séance de psychanalyse depuis aussi loin qu’elle se souvient et que son psy peine à stocker les heures et les heures d’enregistrements sur bandes magnétiques Sony des séances.
Souterrains murs nus étroits même si les ampoules nues qui pendent du plafond peinent à les éclairer. Des kilomètres de souterrains.
Et des kilomètres.
Et des kilomètres.
Mercédès.
Voilà à quoi ressemble mon lycée. A rien. Des bâtiments neufs trop neufs, sans âmes. Un musée. En pire. Ici aussi on n’a le droit de toucher à rien. Mais ce vide vous fout le cafard pour les deux prochaines éternités.
Sauf qu’ici le vide ne s’appelle pas vide.
Ils l’appellent espace.
Manifestement, l’espace ne doit pas coûter bien cher.
Il y en a partout.
Pas d’âme. Mais peut-être l’ai-je déjà dit.
Architecture qui se veut moderne. Grands espaces. Murs nus. Des bâtiments tout en acier froid que d’immenses pans de verre n’aident guère à égayer, des bâtiments faits de tranchants et de pointes. Des plafonds hauts reposant sur des piliers aussi fins que l’imagination de l’architecte.
Où sont la grandeur des pyramides, les épaisses colonnes grecques ?
Voilà où nous sommes censés passer une bonne partie de notre vie. Au milieu de ce rien. Voilà où nous sommes censés nous épanouir, nous développer, donner naissance à notre personnalité — comme aime à le dire l’assistante sociale du lycée.
Ils ont pleins d’excuses douteuses. Pour tout et rien. Ca non plus ne doit pas être cher. Une salle avec un rétroprojecteur, des sièges en plastiques autour d’une table en formica, l’indispensable machine à café et voilà — les piliers sont étroits pour mettre en évidence l’idée de progrès : des matériaux de meilleure qualité alliant les résultats des dernières nouveautés technologiques avec le savoir faire reposant sur la tradition et l’on oublierait presque que les piliers rachitiques soutenant le plafond bêtement plat qui clôt ce grand vide ne s’expliquent que par des économies de coûts.
Et des kilomètres de câbles pour alimenter le vieil ordinateur.
Vieux mais irremplaçable.
Quand quelqu’un est-il venu taper sur son clavier fatigué pour la dernière fois ?
cassette audio Sony No. 2347 :
“ Pour qui vous prenez-vous ?
SILENCE
“ Qui êtes-vous à présent ?
SILENCE
“ Pouvez-vous me le dire ? Pouvez-vous me répondre ?
— Docteur, si je vous le disais je devrais vous tuer.
— Le prix de la connaissance, en quelque sorte ?
— Je suis la—
Foulant les trottoirs de Manhattan et tout ce monde comment faire pour ne toucher personne ? Est-ce de sa faute ? Non, bien sûr. Elle n’y est pour rien.
Je n’y suis pour rien. Je n’ai pas choisi d’être ce que je suis. Je n’ai pas cherché à l’être. Je n’ai rien demandé à personne. Je n’ai jamais fait de vœux un soir de Noël sous la pleine lune — demander à devenir, à être la—
la Camarde…
Mercédès qui ne veut pas parler. Qui n’a pas prononcé un mot depuis des milliards d’années même si tous les mardi et vendredi elle doit se rendre à une séance de psychanalyse depuis aussi loin qu’elle se souvient et que son psy peine à stocker les heures et les heures d’enregistrements sur bandes magnétiques Sony des séances.
Souterrains murs nus étroits même si les ampoules nues qui pendent du plafond peinent à les éclairer. Des kilomètres de souterrains.
Et des kilomètres.
Et des kilomètres.
Mercédès.
Voilà à quoi ressemble mon lycée. A rien. Des bâtiments neufs trop neufs, sans âmes. Un musée. En pire. Ici aussi on n’a le droit de toucher à rien. Mais ce vide vous fout le cafard pour les deux prochaines éternités.
Sauf qu’ici le vide ne s’appelle pas vide.
Ils l’appellent espace.
Manifestement, l’espace ne doit pas coûter bien cher.
Il y en a partout.
Pas d’âme. Mais peut-être l’ai-je déjà dit.
Architecture qui se veut moderne. Grands espaces. Murs nus. Des bâtiments tout en acier froid que d’immenses pans de verre n’aident guère à égayer, des bâtiments faits de tranchants et de pointes. Des plafonds hauts reposant sur des piliers aussi fins que l’imagination de l’architecte.
Où sont la grandeur des pyramides, les épaisses colonnes grecques ?
Voilà où nous sommes censés passer une bonne partie de notre vie. Au milieu de ce rien. Voilà où nous sommes censés nous épanouir, nous développer, donner naissance à notre personnalité — comme aime à le dire l’assistante sociale du lycée.
Ils ont pleins d’excuses douteuses. Pour tout et rien. Ca non plus ne doit pas être cher. Une salle avec un rétroprojecteur, des sièges en plastiques autour d’une table en formica, l’indispensable machine à café et voilà — les piliers sont étroits pour mettre en évidence l’idée de progrès : des matériaux de meilleure qualité alliant les résultats des dernières nouveautés technologiques avec le savoir faire reposant sur la tradition et l’on oublierait presque que les piliers rachitiques soutenant le plafond bêtement plat qui clôt ce grand vide ne s’expliquent que par des économies de coûts.
Et des kilomètres de câbles pour alimenter le vieil ordinateur.
Vieux mais irremplaçable.
Quand quelqu’un est-il venu taper sur son clavier fatigué pour la dernière fois ?
cassette audio Sony No. 2347 :
“ Pour qui vous prenez-vous ?
SILENCE
“ Qui êtes-vous à présent ?
SILENCE
“ Pouvez-vous me le dire ? Pouvez-vous me répondre ?
— Docteur, si je vous le disais je devrais vous tuer.
— Le prix de la connaissance, en quelque sorte ?
— Je suis la—
Foulant les trottoirs de Manhattan et tout ce monde comment faire pour ne toucher personne ? Est-ce de sa faute ? Non, bien sûr. Elle n’y est pour rien.
Je n’y suis pour rien. Je n’ai pas choisi d’être ce que je suis. Je n’ai pas cherché à l’être. Je n’ai rien demandé à personne. Je n’ai jamais fait de vœux un soir de Noël sous la pleine lune — demander à devenir, à être la—
la Camarde…
1 Comments:
If only I spoke French...sigh.
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