Notes d'octobre

Il y a tous ces gens à appeler que je n'appelle pas. Tous ces rêves que je ne fais pas. Ou que j'oublis. Toutes ces lettres que je n'écris pas. Tous ces mots que je garde pour moi. Tous ces coups que je ne donne pas.
Toutes ces choses qui s’entassent et débordent et veulent sortir malgré moi.
Et qui ne sortent pas.
Ne sortiront pas. Ou alors seulement au goutte a goutte.
Aujourd’hui, Taha a dit : « This is nothing .» Il a dit, « This is only the chapter six of your book ». Il parlait de la soirée de merde qu’on venait de passer à bosser sous les humiliations imbéciles de notre patron.
Plus tard, sur Bleecker street, un groupe dans un pub jouait « Like A Rolling Stone. » La version d’Hendrix, bien sûr. Qui voudrait sérieusement reprendre la version de Dylan (a part Hendrix lui-même) ?
Il y a des Boston Kremes à la maison. Et ces amis du bout du monde. Sur le chemin du retour, dans le lecteur CD, la voix torturée de Kim des Sonic Youth.
Le mois d’octobre donne déjà une petite idée de ce que New York va être cet hiver.
En rentrant, en marchant vers la station de métro, j’ai rencontré un groupe de français qui était plus ou moins paumé.
« Est-ce que je peux vous aider ? » Et là, ils ont cette réaction typique de Français à l’étranger, s’exclamant bruyamment au milieu du froid et des limousines et des rumeurs de la ville : « Ah ! Quelqu’un qui parle français !! » Je pensais que peut-être ils cherchaient un métro ou quelque chose comme ça. Malgré leur beaux costumes, et leur bijoux et leur maquillage, leur chaussures cirées et leur sac à mains hors de prix. Ils cherchaient un pub.
« Vous êtes dans le bon coin, en tout cas.
-- On cherche le Bitter End.
-- C’est tout près d’ici. Il faut juste que vous descendiez d’une rue ou deux. Vous devez rejoindre Bleecker et tourner à gauche et la remonter d'un block ou deux. »
Il y eut des « ah » et des « merci » et puis il y eut moi et puis un peu plus loin il y eut une copie de l’âme d’Hendrix dans la nuit.